Elisa Di Lelio et Clara Husser, Créature des pensées
extrait du Flipbook
Créature des pensées
L’Organisation mondiale de la santé estime que les maladies mentales se classent au troisième rang des maladies en termes de prévalence après les cancers et les maladies cardio-vasculaires. En France, environ 3 millions de personnes souffrent de troubles psychiques sévères. Une nouvelle recherche menée à l’Université Concordia et dans quinze autres universités du monde entier indique que 94 % des individus ont des pensées, des images ou des impulsions intrusives indésirables. Ces pensées peuvent être très ponctuelles ou répétitives dans le cas de TOC, d’anxiété généralisée ou de dépression. Les conséquences de tels troubles sont majeures pour l’individu concerné, qui présente un risque suicidaire accru et plus largement un risque plus élevé de mortalité prématurée.
Les pensées indésirables et obsessionnelles, sources de détresse, surgissent et « engouffrent » la personne dans de sombres abîmes.
Le regard de la société scrute la créature ; témoin du tourment, il reste passif face à la détresse de la personne. Nous avons tous été face à une situation similaire consciemment ou inconsciemment. La plupart du temps, nous sommes démunis et incapables d'intervenir.
Le flipbook est un format souvent utilisé dans le cadre d'illustrations amusantes pour enfants. Cette confrontation entre les côtés obscurs des pensées et la légèreté de l'enfance a paru comme une évidence lors de la conception de cette œuvre. La technique est hybride : la photographie, la vidéo et le dessin se sont rencontrés dans un collage digital. Les pensées sont représentées grâce à de l’encre dissoute dans de l’eau. La diffusion est filmée, le film a été fractionné et collé au-dessus du portrait de la personne. Le portrait de la personne a été obtenu à partir d'une photo retracée au crayon. La distorsion des traits a été créée grâce à l’outil de traitement de vidéo After Effects après avoir converti l’image en vidéo avec le logiciel EZGIF.
La personne est envahie par ses propres pensées : elle est dominée et devient méconnaissable. L’hybridation du corps et de l’esprit, entités indépendantes selon le dualisme cartésien, est de plus en plus conséquente jusqu’à complètement disparaître : le visage de la personne est absorbé dans une immense créature.